Text Resize

-A +A

Évaluation des efforts associés à la conduite des chariots

 

La conduite de chariots peut exiger des efforts physiques pouvant être un facteur de risque pour la sécurité du personnel. Comme pour les autres facteurs de risque, il est important de le contrôler, surtout si la situation comporte d’autres facteurs défavorables.

Les efforts à déployer sont déterminés par le poids du chariot et par sa qualité de roulement. Si les efforts excèdent une limite acceptable, il faudra soit réduire le poids du chariot ou améliorer la performance de roulement ou, encore, agir sur ces deux variables à la fois. Mais quelle est cette limite acceptable ? Comment évaluer si le personnel doit exécuter des efforts non sécuritaires ?

Efforts limites recommandés


Si l’on cherche une valeur limite d’effort, la norme française NF X35-109 (2011/10) de l’Association française de normalisation (AFNOR) apporte des réponses très intéressantes. Il s'agit d'une synthèse simplifiée de la norme Ergonomie - Manutention manuelle, partie 2 : Actions de pousser et de tirer, NF ISO 11228-2 (2007). Elle est une référence très intéressante puisqu’elle réfère à des efforts associés à la poussée de chariots et non pas seulement à des efforts de poussée en général. Par contre, il faut faire attention à l’utilisation de ces recommandations, car bien qu’elles tiennent compte des conditions de réalisation de la tâche, elles pourraient ne pas être représentatives d’une situation particulière. Ces données constituent cependant un très bon point de repère pour apprécier la sécurité dans la conduite d’un chariot.

La norme identifie des valeurs délimitant 3 zones de risques :

  • zone inacceptable ;
  • zone sous conditions ;
  • zone acceptable.

Schéma adapté de la norme française NF X35-109 (2011/10) de l’Association française de normalisation (AFNOR).

Bien sûr, la situation souhaitée est celle qui ne dépasse par la valeur maximale de la zone acceptable. Le tableau suivant propose, à partir de calculs complexes de la norme NF ISO 11228-2, les valeurs de référence des forces en fonction de la fréquence des actions de pousser/tirer. On considère toujours que la poussée se fait à deux mains.

Pousser/Tirer
Force en daN*
Fréquence
2/min1/min1/5min1/h
Force
initialemaintieninitialemaintieninitialemaintieninitialemaintien
Valeur maximale
zone sous conditions
159201225152717
Valeur maximale zone acceptable
1261681992110
Valeur maximale contraintes à risque minimum
6485106117

* 1 daN (décaNewton) équivaut à 10 N.  1 N est la force qu’il faut pour accélérer une masse de 1 kg de 1m/s2.  Pour simplifier on considère que 1 daN est égal à environ 1 kg de force appliqué sur une charge.

On distingue ici la force initiale de la force de maintien. La force initiale correspond à la force qu’il faut appliquer pour commencer à faire bouger la charge (ou le chariot), alors que la force de maintien est celle nécessaire pour maintenir une vitesse de déplacement. La méthode pour calculer ces deux forces est présentée ci-dessous.

Les valeurs des efforts limites sont basées sur un déplacement de moins de 10 m. À noter que la norme applique un coefficient de correction pour des distances allant jusqu’à plus de 60 m. La valeur pour une distance de 60 m doit être réduite par un facteur de 0,6 et pour des distances de plus de 60 m par un facteur de 0,2.

Les valeurs sont données pour des conditions d’exécution favorables :

  • hauteur de la barre de poussée entre 0,75 m et 1,1 m ;
  • sol dur, plat et non glissant, sans obstacle ;
  • espace permettant une bonne position du corps.

Dans le cas de conditions défavorables, la norme propose des coefficients de correction. Le calcul des ces coefficients n'est pas abordé ici. Au besoin, référez-vous à la section 5.4 de la norme.

Méthode pour mesurer les forces de poussée et de traction


Les forces de poussée et de traction sont généralement identiques. Donc, pour une raison ou une autre, la mesure pourrait aussi bien se prendre en poussée qu'en traction. La norme propose la procédure suivante.

  1. Utiliser un indicateur de force ou un dynamomètre.
  2. Charger le chariot avec le poids maximal normalement présent.
  3. Appliquer l'appareil de mesure à la hauteur de la barre de poussée, au milieu des deux prises. L’appareil doit rester stable pendant l’application de la force.
  4. Mesurer la force initiale (force minimale requise pour mettre en mouvement le chariot*) sous deux conditions :
    1. avec les roues pivotantes tournées dans le sens de la direction ;
    2. avec les roues pivotantes non tournées dans le sens de la direction.**
  5. Mesurer la force de maintien :
    1. pousser (ou tirer) le chariot avec l’appareil de mesure sans donner de secousse ;
    2. prendre la mesure de force pour maintenir une vitesse de marche lente (environ 1 m au 3 secondes).
  6. Prendre les mesures à plusieurs reprises jusqu'à ce qu’il se dégage une constante (moins de 15 % de différence entre les mesures.

Cette façon de mesurer permet de comparer la situation évaluée aux valeurs limites recommandées.

* Cette mise en mouvement ne correspond pas à la réalité du travail, mais elle permet une mesure standard pour la mettre en relation avec les valeurs limites recommandées. On sait très bien que l’accélération et les arrêts seront en réalité des situations avec des forces beaucoup plus importantes.

** L’effort est normalement plus important lorsque les roues pivotantes n’ont pas encore pris leur position.

Analyse des résultats


Lorsque la situation respecte les limites acceptables

Dans un tel cas, il demeure tout de même des risques notamment lors d’arrêts d’urgence ou lorsque les méthodes sécuritaires ne sont pas appliquées. Aussi, dans la recherche d’un meilleur confort, il importe de vérifier si des améliorations pourraient encore être apportées. La qualité de roulement varie selon le type de roue et selon l’état des roues. Il faut donc s’assurer d’avoir une bonne qualité de roulement. Dans le cas contraire, il faudra soit améliorer l’entretien ou faire l’acquisition de roues plus performantes.

La manière de vérifier la qualité de roulement consiste à mettre l’effort de poussée en relation avec le poids du chariot (avec son chargement). Certaines roues permettent de limiter les efforts à l’équivalent de 1 % du poids du chariot (avec son chargement). En général, lorsque ce ratio se situe entre 1 et 2 %, on peut dire que la situation est très bonne. Donc, il s’agit de prendre la valeur de l’effort pour le maintien du chariot en mouvement et de la diviser par le poids du chariot. 

Par exemple, si un chariot nécessite un effort de 5 kg pour le maintenir en mouvement et que son poids (avec son chargement) est de 300 kg, le rendement sera de 1,7 %, ce qui est très bon. Par contre, si un chariot exige un effort de 4 kg pour un poids de 100 kg, le rendement sera de 4 %, ce qui pourrait probablement être amélioré.  Ces deux exemples démontrent que même si l'effort est plus élévé dans le premier cas, cette situation est plus acceptable que l'autre qui exige probablement des efforts inutiles. 

Dans tous les cas également, et surtout lorsque les efforts sont près de la limite acceptable, il est toujours pertinent de se demander si le chargement ne pourrait pas être réduit.

Lorsque la situation ne respecte pas les limites acceptables

Dans le cas où les efforts sont au-dessus de la valeur acceptable ou au-dessus de la valeur maximale sous conditions, des mesures doivent être prises pour améliorer la situation. Selon l’urgence, on peut intervenir rapidement avec des mesures temporaires tout en cherchant à améliorer la situation de manière permanente par la suite. Dans un premier temps, il faut donc se pencher sur tous les facteurs influençant les efforts : caractéristiques de la roue et de son entretien, poids du chariot et de sa charge, nature du sol. Ensuite, il faut modifier la situation ou appliquer des conditions particulières (ex. : méthode à deux personnes, réduction de la fréquence ou de la longueur du trajet).

Lorsque la situation demeure toujours à risque, il y a lieu de penser à mécaniser le transport avec un
tire-chariot, une transpalette, un train, un chariot-élévateur ou un monte-charge.


Retour au dossier ASSTSAS 2011