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Événement traumatique — Généralités

 

Ce dossier s’adresse aux paramédics, terme généralement utilisé pour désigner les techniciennes et les techniciens ambulanciers paramédicaux. Il s'adresse aussi aux répartiteurs médicaux d’urgence de même qu’aux organisations ambulancières, et aux personnes en lien avec ces travailleurs des soins préhospitaliers d’urgence.

Le contexte de travail des paramédics diffère d’un milieu à l’autre. Certaines informations doivent être adaptées à votre situation. Une partie de ce dossier peut aussi s’avérer pertinente pour le personnel qui occupe un emploi dans un domaine autre que celui des paramédics.

Ces informations vous permettront de bien comprendre le risque d’exposition à des événements traumatiques au travail et les conséquences possibles pour la santé et la sécurité du travail (SST) des paramédics. Elles visent aussi à préparer et à outiller le secteur paramédical du Québec pour faire face aux événements à potentiel traumatique. Notez que les termes « événement traumatique » et « événement à potentiel traumatique » sont utilisés sans distinction.

Bonne navigation !

 

Le risque d’exposition à des événements à potentiel traumatique fait partie de la réalité du travail des intervenants d’urgence. Pour certains d’entre eux, cette exposition peut entraîner des séquelles psychologiques, voire un trouble de stress post-traumatique. Selon le rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale (2016), entre 10 et 35 % des intervenants développeront un trouble de stress post-traumatique. Les répercussions peuvent être considérables sur la qualité de vie des individus et sur leurs tâches ou entraîner des arrêts de travail prolongés.

La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, au thème de l’accès au régime d’indemnisation en cas de lésion professionnelle, a créé un règlement évolutif sur les maladies professionnelles (RMP). Parmi les maladies, à la section sur les troubles mentaux, on introduit désormais une présomption pour un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Ainsi, tout comme un accident peut survenir sur les lieux de travail, cette maladie professionnelle peut être contractée par le fait ou à l’occasion du travail dans certaines conditions particulières, soit « avoir exercé un travail impliquant une exposition de manière répétée ou extrême à une blessure grave, à de la violence sexuelle, à une menace de mort ou à la mort effective, laquelle n’est pas occasionnée par des causes naturelles » (RMP-annexe A-troubles mentaux). Lorsqu’une maladie est acceptée en présomption, le travailleur n’a pas à faire la démonstration du lien entre sa maladie et son travail lors de sa réclamation, ce qui facilite la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie. Les répercussions d’un événement traumatique au travail peuvent être considérables sur la qualité de vie des personnes et sur leurs tâches ou, même, entraîner des arrêts de travail prolongés.

 


Sommaire

  1. Qu’est-ce qu’un événement à potentiel traumatique ?
  2. Quelles réactions sont possibles après un événement à potentiel traumatique ?
  3. Quelle est l’évolution possible des réactions et combien de temps peuvent-elles durer après un événement à potentiel traumatique ?
  4. Quelle est la différence entre le trouble de stress post-traumatique et le trouble de stress aigu ?
  5. Les réactions de stress sont-elles normales ?
  6. Quels sont les effets et les conséquences du trouble de stress post-traumatique au travail et dans la vie personnelle ?
  7. Quel est l’effet de l’accumulation d’événements traumatiques ?

1. Qu’est-ce qu’un événement à potentiel traumatique ?

Il s’agit d’un événement durant lequel quelqu’un aurait pu mourir, est mort, a été gravement blessé, a été menacé de mort, de grave blessure ou a été exposé à de la violence sexuelle (APA, 2015).

L’exposition peut survenir de plusieurs façons.

  • Subir directement l’événement
  • Assister directement à l’événement qui survient à une autre personne (ce type d'exposition ne s'applique pas aux répartiteurs médicaux d'urgence)
  • Être un témoin indirect (ex. : apprendre que l’événement est arrivé à un collègue ou à un proche). Un événement peut être traumatique même si vous n’êtes pas directement sur les lieux. Dans ce cas, l’événement doit avoir été violent ou accidentel
  • Être exposé de manière répétée ou extrême aux détails horrifiants ou pénibles d’un ou de plusieurs événements

En soins préhospitaliers d’urgence, les travailleurs assistent à la souffrance humaine et à la détresse des personnes blessées ou malades et de leur famille. Certains événements sont plus difficiles que d’autres, comme ceux impliquant des enfants, l’arrêt cardiaque d’un bébé, un drame familial, un homicide ou une tentative de suicide. Les interventions auprès d’un collègue (décès, blessure grave, suicide) recèlent aussi un potentiel traumatique.

Dans ses interventions, le paramédic ne met généralement pas sa vie en danger, quoiqu'il peut lui arriver d'être blessé gravement lors d'un accident. Souvent, il sera témoin de la souffrance d'autrui. Malgré les soins apportés, certaines personnes ne peuvent être sauvées. Le paramédic peut alors ressentir un sentiment d’impuissance, d'injustice ou d’échec. Dans le cas où le paramédic doit intervenir auprès d’amis ou de parents, le fait de craindre pour leur vie ou leur sécurité peut rendre une intervention traumatique.

Pour le RMU, les événements à potentiel traumatique peuvent être un suicide en cours d'appel, un événement impliquant plusieurs décès ou le décès d'enfants ou d'apprendre qu'un intervenant d'urgence qu'pn connaît est gravement blessé.

Pour le paramédic ou le RMU, parfois, le nombre élevé d’interventions laisse peu de temps pour décompresser entre chaque appel., ce qui ajoute un facteur de stress.

L'exposition à un événement à potentiel traumatique peut mener ou non au développement d’un trouble de stress post-traumatique. Un paramédic ayant vécu une intervention qui l’affecte ou le bouleverse, qu’elle soit traumatique ou non, devrait chercher de l’aide.

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2. Quelles réactions sont possibles après un événement à potentiel traumatique ?

De multiples réactions sont possibles. Elles sont normales face à une situation anormale. Celles-ci peuvent durer quelques jours ou plus, ou même apparaître plusieurs mois après un événement. Vous pouvez aussi vivre un événement traumatique sans développer de telles réactions.

Une intervention à potentiel traumatique génère beaucoup d’informations à absorber dans les heures et les jours suivants. Les réactions qui apparaissent reflètent cette tentative d’adaptation de votre corps et de votre cerveau.

Lors de l’événement, l’adrénaline sécrétée par le système nerveux déclenche une série de réactions de survie. Ainsi, pendant ou après l’événement, vous pourriez éprouver des réactions physiques d’anxiété ou de dissociation.

  • Anxiété 
    Palpitation, hyperventilation, tremblement, souffle court, impression de manquer d’air, sensation d’étouffement, étourdissement, douleur ou oppression thoracique, picotement, difficulté à avaler, serrement de gorge, jambes molles, etc.
  • Dissociation 
    Dépersonnalisation (impression de se voir en train de faire l’action, se sentir en dehors de son corps, s’observer d’en haut), déréalisation (impression que les choses se déroulent au ralenti ou en accéléré, que ce qui se passe est irréel, se sentir dans un mauvais rêve ou dans un film), diminution de la conscience de son environnement (moins entendre les sons ou moins voir ce qui nous entoure), amnésie (oublier certains détails importants de l’intervention), léthargie (être coupé de ses émotions et ne rien ressentir). Les réactions de dissociation sont communes chez le personnel des services préhospitaliers d’urgence qui fait face à des situations hautement stressantes

Bien sûr, d’autres types de réactions sont possibles. Chacun réagit différemment, d’où l’importance de ne pas vous comparer aux autres.

Voici d’autres exemples de réactions possibles après un événement à potentiel traumatique, d’où l’appellation de réactions post-traumatiques.

  • Reviviscences
    Repenser souvent à l’intervention de façon involontaire, avoir des flashbacks comme entendre à nouveau les cris de détresse, y rêver, être bouleversé ou réagir avec des réactions physiques d'anxiété lors des rappels de l’événement
  • Évitement
    Vouloir éviter d’y penser ou d’en parler ou éviter tout ce qui rappelle l’intervention (lieu, personne, objet, situation, activité)
  • Hyperéveil
    Être irritable, demeurer en état d’alerte ou d’hypervigilance même si le danger est passé, anticiper certaines interventions, rencontrer des difficultés de sommeil ou de concentration, sursauter, avoir un comportement autodestructeur
  • Changement dans les pensées et l’humeur
    Se blâmer ou se remettre en question, devenir plus distant avec ses proches, avoir de la difficulté à ressentir des émotions positives, ressentir moins d’intérêt, être envahi d’émotions négatives (peur, sentiment d’impuissance, culpabilité, honte, horreur ou colère), entretenir des croyances négatives exagérées face à soi ou aux autres (ex. : « Je suis un mauvais paramédic »)

Ces réactions évoluent au fil du temps. Notez aussi qu’une personne peut présenter certaines de ces réactions sans pour autant se trouver en trouble de stress post-traumatique.

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3. Quelle est l’évolution possible des réactions et combien de temps peuvent-elles durer après un événement à potentiel traumatique ?

La durée des réactions varie pour chaque personne. En effet, elles peuvent :

  • Durer quelques jours et s’estomper graduellement
  • Persister dans le temps
  • Se développer des mois ou des années après l’événement

L’évolution et la durée des réactions dépendent de certains facteurs. Selon différentes recherches, la sévérité du trauma, la présence de dissociation pendant l’événement ou, encore, un soutien social négatif (ex. : recevoir des critiques) après le trauma sont autant de facteurs de risque qui nuisent à l’adaptation. Le meilleur facteur de protection serait la perception d’un soutien social adéquat après le trauma, ce qui faciliterait le rétablissement de l’individu.

Lorsque les réactions post-traumatiques persistent au-delà de deux semaines ou sont dérangeantes, il est conseillé de consulter un médecin, un psychologue ou un psychothérapeute spécialisé en stress post-traumatique pour faciliter la prévention du trouble de stress post-traumatique. Si les réactions apparaissent des années plus tard, c’est aussi le moment de consulter un professionnel.

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4. Quelle est la différence entre le trouble de stress post-traumatique et le trouble de stress aigu ?

Le trouble de stress post-traumatique concerne les réactions de stress qui durent plus d’un mois après un événement traumatique. Même si ces réactions sont communes, souvent elles dérangent et nuisent au fonctionnement. Les réactions post-traumatiques peuvent apparaître dans les jours suivant un événement traumatique ou parfois plusieurs mois ou années plus tard.

Quant au trouble de stress aigu, les réactions de stress durent au minimum trois jours et au maximum un mois après un événement traumatique.

Dans les deux cas, les réactions demeurent sensiblement les mêmes que celles du trouble de stress post-traumatique : les reviviscences, l’évitement, l’hyperéveil et le changement dans les pensées et l’humeur. Pour en savoir plus, reportez-vous à la question 2.

Comme le montre le tableau qui suit, la principale différence entre les deux types de trouble réside dans la durée des réactions, soit moins d’un mois dans le cas du stress aigu et plus d’un mois pour le stress post-traumatique. Pour obtenir un diagnostic, la consultation d’un médecin ou d’un professionnel habilité à faire un diagnostic est nécessaire.

 

 

 

 

 

 


Fig. 1 - Cliquer sur l'image pour l'agrandir

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5. Les réactions de stress sont-elles normales ?

Oui. Ce sont des réactions de stress normales face à une situation anormale. Même si les interventions d’urgence font partie de la réalité du travail des paramédics, ces derniers sont exposés à des situations qui peuvent sortir de l’ordinaire et être marquantes. Parfois, c’est l’accumulation d’interventions qui use.

Chaque type de réaction demeure une tentative d’adaptation du corps et du cerveau face au stress vécu durant l’événement. Voici quelques exemples.

  • Avoir des reviviscences (revoir des images, y penser, y rêver)
    Permet d’assimiler, d’intégrer, de classer les informations de l’événement, de « digérer » émotionnellement le trauma
  • Éviter d’y penser et d’en parler
    Permet de ne pas être en contact avec ce qui est bouleversant et procure une pause temporaire d’émotions. À court terme, l'évitement soulage et permet de ne pas vivre d'anxiété. Cependant, à plus long terme, il sera nécessaire de repenser à l’événement et d’en reparler pour comprendre cette expérience avant de pouvoir passer à autre chose
  • Rester en état d’alerte et d’hypervigilance
    Permet de se protéger d’un autre danger, comme un système d’alarme interne qui reste activé 24/7 pour nous avertir d'un danger potentiel
  • Se blâmer pour la finalité de l'intervention
    Permet de conserver l’impression d’avoir eu un certain contrôle sur le déroulement de l’événement (en croyant en être responsable) plutôt que de ressentir l'impuissant de ne pas avoir pu sauver les victimes

Lorsque les réactions post-traumatiques persistent au-delà de deux semaines ou qu’elles sont dérangeantes, il est conseillé de consulter un médecin, un psychologue ou un psychothérapeute.

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6. Quels sont les effets et les conséquences du trouble de stress post-traumatique au travail et dans la vie personnelle ?

Le trouble de stress post-traumatique peut entraîner des répercussions sur différentes sphères de vie. Lorsque le temps passe et que les réactions post-traumatiques persistent, les conséquences sont multiples. Consulter rapidement un médecin, un psychologue ou un psychothérapeute aide à se rétablir plus vite.

Dans le cadre du travail, une personne en stress post-traumatique peut s’absenter de façon prolongée. Si elle continue de travailler, elle peut avoir de la difficulté à se concentrer sur ses tâches, faire des erreurs, avoir des oublis, être dans la lune. Elle peut être moins alerte pour accomplir ses tâches, mais trop prudente, voire hypervigilante, dans des interventions de routine. Cette personne peut devenir plus anxieuse lorsque confrontée à des déclencheurs qui lui rappellent l’événement traumatique (ex. : intervenir auprès d'une clientèle semblable ou dans un événement similaire, entendre les sirènes des véhicules d'urgence, intervenir au même coin de rue ou dans le même type de bâtiment). Elle peut aussi vouloir éviter les situations qui lui rappellent l’événement, se mettre en retrait lors des interventions ou demander à son partenaire de gérer certains types d'applels comme les suicides. Afin d'éviter de penser, cette personne peut travailler davantage pour se tenir constamment occupée.

Dans le cadre de sa vie sociale et familiale, une personne en stress post-traumatique peut s’isoler de son équipe de travail et de ses proches, avoir de la difficulté à ressentir du plaisir et montrer moins d’intérêt pour les activités. Elle peut se détacher de son entourage, ce qui peut mener à des conflits conjugaux.

La personne éprouvant un stress post-traumatique peut recourir à divers moyens pour alléger sa souffrance, comme consommer de l’alcool, des drogues ou des médicaments d’ordonnance en plus grande quantité que prescrit. Évidemment, ces moyens sont temporaires. À long terme, ils peuvent entraîner d’autres difficultés comme une humeur dépressive, des problèmes de sommeil ou de dépendance.

La dépression peut aussi être une conséquence du stress post-traumatique. Parfois, la personne peut même penser au suicide.

Si vous reconnaissez chez vous l’un ou plusieurs de ces effets, parlez-en à quelqu’un qui peut vous écouter. Demandez de l’aide auprès d’un médecin, d’un psychologue ou d’un psychothérapeute. Les ressources sont là pour vous aider.

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7. Quel est l’effet de l’accumulation d’événements traumatiques ?

Au cours de sa carrière, un paramédic s’expose à plusieurs événements à potentiel traumatique. L'exposition à un événement traumatique fait appel aux capacités d’adaptation et peut engendrer parfois des réactions de stress qui interfèrent momentanément avec la capacité de poursuivre des activités professionnelles.

Dans d’autres cas, l’accumulation de plusieurs événements traumatiques, que ce soit sur une courte période ou au cours de la carrière, peut user les capacités d’adaptation de la personne. Des symptômes physiques ou psychologiques peuvent alors se développer et interférer avec la capacité de travailler sur une période plus ou moins longue. C’est le principe de la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Ce qui peut se passer lorsqu’il y a accumulation

Une situation récente, banale comparée aux autres vécues en carrière (ex. : intervenir sur une nouvelle scène d’accident), peut affecter davantage le paramédic. Cette fois-là, ses capacités à faire face ont été épuisées par l’accumulation. Une situation récente peut aussi faire écho à des événements passés qui remontent à la surface et affectent la personne.

Ainsi, il est important de prendre des moyens pour éviter les répercussions de cette accumulation (ex. : développer des stratégies pour prendre soin de soi). Au besoin, adressez-vous à un professionnel pour vous aider à « faire le ménage » et à classer les événements du passé.

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Pour poursuivre sur le sujet

Pour de l’information complémentaire, consultez les autres pages de ce dossier.

 

Remerciements 

Ce dossier Web a été adapté à partir du contenu publié par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur « affaires municipales » (APSAM)  et validé par Mélissa Martin, Ph. D., psychologue.

 

 


Pour en savoir plus

Pour toute information sur notre offre de services, contactez le conseiller attitré à votre établissement ou la responsable du programme Daisy Gauthier