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Symptômes, constats et facteurs de risque

Définition et Symptômes

Chez les technologues en échographie cardiaque, les troubles musculosquelettiques (TMS) affectent les muscles, les tendons, les ligaments, les nerfs au niveau des articulations des membres supérieurs (épaules, coudes, mains, poignets) et des membres inférieurs (genoux, chevilles) et la colonne vertébrale. Les TMS sont responsables de douleur, de raideur, de perte de mobilité et de force, et peuvent entraîner des incapacités fonctionnelles permanentes. La douleur est le signal d’alerte du déclenchement des TMS. Elle peut se manifester dans le travail ou en dehors, notamment la nuit.

Un travail qui fait mal : les effets directs des TMS

Les TMS limitent les possibilités gestuelles : les efforts ne peuvent plus être aussi importants ou répétés et induisent une fragilisation à long terme. Une personne atteinte demeure fragile et présente une probabilité plus importante de réapparition de la pathologie. Ces troubles peuvent aussi mener à des handicaps temporaires ou permanents.

La prévalence moyenne des symptômes de TMS chez les technologues en échographie est de 81 % et de 91 % pour les technologues en échographie cardiaque. Les symptômes se situent en majorité dans les régions de l’épaule et du cou, ainsi que du haut et du bas du dos, des poignets, des mains et des doigts. Des inconforts sont aussi rapportés pour le milieu du dos, les avant-bras, les genoux et les jambes. De plus, les technologues en échographie souffrent généralement à plusieurs endroits en même temps

Cette prévalence tend à augmenter en raison des changements dans l’exercice du métier de technologue en échographie

  • Intensification du travail avec une durée d’exposition accrue au risque de TMS :
    • examens plus longs, répétitifs et physiquement difficiles pour les technologues,
    • augmentation du nombre d’échographies réalisées,
    • spécialisation dans un type d’échographie (générale, ou cardiaque, etc.).
       
  • Pourquoi ces changements ?
    • Le progrès technologique en imagerie médicale fait de l’échographie un outil incontournable.
    • Le vieillissement de la population engendre des contextes de réalisation d’examen plus difficiles (mobilisations de patients plus nombreuses, personnes agitées, personnes fragiles et difficiles à examiner, contextes péri- et postopératoires, etc.). 
    • Surpoids et obésité sont souvent associés à des difficultés accrues pour placer la sonde et obtenir une bonne image. Ils obligent les technologues à adopter des postures plus contraignantes : flexions du tronc prononcées pour ceux travaillant à droite et nécessité de maintenir une pression forte et continue sur la sonde plus importante qu’usuellement.
    • Le nombre de technologues exerçant en échographie demeure stable tandis que le nombre d’échographies a augmenté de près de 55,5 % depuis les années 90. 
  • Effets indirects des TMS 

Pertes d’emploi, changement de profession, absentéisme, diminution de la qualité de service en raison des remplacements, congés maladie, reclassements… Tels sont les effets indirects possibles des TMS. Ainsi, selon un sondage réalisé en 2000 par la Society of Diagnostic Mediacal Sonography (SDMS), on estime à 20 % le pourcentage des technologues en échographie qui mettraient fin à leur carrière professionnelle du fait de blessures en lien avec leur travail.

    Un cercle vicieux qui se déploie aussi parmi le personnel déjà en place et qui vient majorer la pénurie actuelle de professionnels dans le secteur de la santé au Québec.

    L’apparition des TMS : une combinaison de plusieurs facteurs

    Les TMS sont des pathologies qui résultent de la combinaison de plusieurs facteurs de risque. En matière de prévention, il est par ailleurs nécessaire d’identifier et de remonter aux causes ou aux déterminants de ces facteurs de risque avant de mettre en place des solutions.

    Figure 2 - De l'origine des TMS

    De nombreux facteurs de risque sont présents lors de la réalisation d’échographies cardiaques.

    • Des contraintes posturales importantes du travail statique et du travail répétitif :
      • flexions et torsions de la nuque, si l’écran de l’appareil d’échographie est fixe ou mal ajusté ;
      • flexions latérales du tronc pour explorer les voies parasternale et apicale (méthode à droite), aggravées si le patient est obèse ou éloigné du technologue ;
      • contraction statique des muscles du bras, du cou, du dos, de l’épaule et du bras sans appui pour maintenir la sonde avec la main fixe contre le patient lors de la prise d’images (Vanderpool, H.E., 1993) ;
      • mouvements répétitifs de l’épaule, de l'avant-bras, du poignet, de la main et des doigts pour manipuler la sonde ;
      • mouvements répétitifs de la main et des doigts de l’autre bras lors de la manipulation des « track pad » et la prise de mesures ;
      • bras en extension pour accéder à certaines touches des plateaux, en fonction des modèles d’équipement et de la façon dont sont placés les technologues vis-à-vis l’équipement ;
      • les activités connexes à l’examen (mobilisation des patients, déplacement des équipements sur les étages, visualisation des dossiers PACS…) sollicitent les mêmes groupes musculaires et ne permettent pas de réel repos. Par ailleurs, la fatigue visuelle engendrée par le manque de luminosité durant l’examen peut entraîner des tensions au niveau du cou et du dos.
      Ces contraintes sont majorées par l'adoption par les technologues d'une seule méthode de travail, généralement la méthode à droite.
    • L'application soutenue de force sur la sonde par la main et les doigts lors de la prise d’images, associée à une gestuelle de précision. La force exercée augmente dans les cas de patients peu échogènes tels que les obèses ou les postopérés. La prise en pince exige une force importante du bout des doigts.
    • Une durée d’exposition importante : une moyenne de 100 examens par mois de 25 minutes ou plus est associée à des inconforts. À titre de comparaison, un technologue à temps plein réalise autour de 120 examens par mois, d’une durée de 30 à 45 minutes selon la difficulté de l’examen.
    • Des facteurs psychosociaux peuvent intervenir dans l’apparition de TMS tels que le manque de marge de manœuvre dans l’organisation du travail ou le stress vécu au travail. Le stress peut être lié à l’importance des examens pour la vie des patients, ou au fait de pouvoir faire dans les temps le volume d’examens prévus sans faire attendre les patients. Il peut être aussi lié au jugement porté par les pairs ou les médecins sur la qualité des images réalisées ou, encore, au jugement des patients.

    Des causes multiples

    • Liées à l’organisation du travail
      Une organisation du travail qui ne permet pas de préserver des marges de manœuvre au technologue pour réguler son activité peut être la cause de facteur de risque.
      • Par exemple, certains technologues disent ne pas prendre les pauses qui leur sont pourtant permises afin de réaliser le volume d’examens demandés dans l’horaire prévu. D'autres mentionnent ne pas prendre leurs pauses non plus, car cela les « culpabiliserait trop de les prendre alors que les collègues n’en prennent pas ». On peut s’interroger, dès la planification des rendez-vous,  sur la façon de dégager ce temps de manière effective.
         
    • Liées aux équipements
      • Bien souvent, les technologues utilisent encore des équipements non ajustables (chaises ou appareils d’échographie). On note également un déficit dans la transmission des informations relatives aux possibilités d'ajustement des différents équipements utilisés et aux bénéfices qu'ils pourraient procurer au technologue. L'insuffisance d’ajustement induit des contraintes posturales supplémentaires lors de l’examen (torsion du cou pour lire les informations sur l’écran de l’équipement, par exemple).
      • Le poids important des appareils entraîne une sollicitation des muscles du dos lorsqu’il faut les déplacer sur les étages, particulièrement lorsque les corridors sont encombrés ou en pente.
      • Les civières sont souvent ajustables, mais de façon hydraulique et non électrique. Cela exige de suspendre l’examen et de descendre des chaises pour effectuer les ajustements au pied. Au vu des contraintes horaires, cela n’est que rarement fait. De même, lorsque les manettes d’ajustement sont situées au pied de la civière, elles s’avèrent peu fonctionnelles et sont rarement utilisées en cours d’examen. Signalons aussi qu’un mécanisme de frein non centralisé augmente les difficultés de repositionnement de la civière ou du lit en cours d’examen si cela s’avère nécessaire.
      • Il est toujours préférable de disposer, sur la civière, d'un matelas lavable avec blocs amovibles pour ne pas gêner la gestuelle lors des examens et favoriser une bonne position du poignet lors de l'examen.
      • Le nouveau design des sondes tend à diminuer la taille de la zone de préhension.
         
    • Liées à la conception des lieux de travail
      La conception de la salle d’échographie et de ses abords peuvent aussi induire des facteurs de risque de TMS.
      • Une salle étroite peut limiter les possibilités d’approcher le patient de la civière, lorsque ce dernier se déplace en fauteuil roulant, par exemple : il faut alors l’aider à se lever, le soutenir et le faire marcher jusqu’à la civière.
      • De même, une civière positionnée contre un mur ne donne aucune latitude au technologue pour travailler à gauche du patient ou à droite.
      • Enfin, un couloir encombré pour accéder à la salle nécessite des manipulations supplémentaires des civières ou des fauteuils roulants.
         
    • Liées à la clientèle
      • Certains patients se révèlent peu « échogènes ». C'est le cas, par exemple, de certains patients âgés et très « osseux », de personnes souffrant d'un état clinique précaire ou postopératoire exigeant une attention particulière ou encore des personnes obèses ou agitées. Dans ces cas, acquérir de bonnes images est plus difficile et les technologues prolongent la durée de l’examen ou augmentent la force sur la sonde, particulièrement dans le cas des patients obèses.
      • Ce type de clientèle entraîne aussi des difficultés supplémentaires liées au déplacement et au positionnement lors des examens : des efforts physiques supplémentaires doivent être déployés par les technologues et leurs contraintes posturales augmentent. Pour un technologue travaillant seul et qui positionne le patient à sa droite, on remarque notamment des flexions latérales plus importantes pour les prises d’images en apical et parasternal.
         
    • Liées aux individus
      L’état général de santé des technologues, la fatigue ressentie au cours de la journée ou, encore, l'absence de formation adéquate sur la manipulation des équipements ou l’application des PDSB peuvent également jouer un rôle déterminant. 
       
    • Liées à la méthode de travail
      • Ces contraintes sont majorées du fait de l'adoption d'une méthode de travail unique (en général : la méthode à droite) par les technologues. L'utilisation des deux méthodes (gauche et droite) en alternance par la même personne permettrait d'en diminuer les impacts de manière significative et de développer des pratiques préventives face aux TMS.
      • Aussi, la méconnaissance des repères de postures confortables et sécuritaires et l’absence d'ajustement judicieux des équipements tout au long de la réalisation de l’examen contribuent à l’apparition des TMS. 

    Des pistes de prévention efficaces

    L’amélioration des conditions d’exécution des tâches représente l’une des clés de la prévention des TMS, tout comme l’adoption de méthodes de travail sécuritaires.

    À cette fin, une réflexion peut être menée sur tous les leviers à notre disposition et notamment sur l’organisation du travail, l’aménagement des espaces et le choix des équipements, l'alternance des méthodes de travail ainsi que le respect des postures de sécurité et des ajustements des équipements. Les recommandations de l'ASSTSAS à ce propos sont rassemblées dans la brochure Prévention des TMS en échographie cardiaque.
     


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